Contre la réforme des retraites, ils rendent l’électricité gratuite à Marseille
Pour marquer son opposition à la réforme des retraites, la CGT Énergie de Marseille revendique de rendre gratuits l’électricité ou le gaz pour les plus précaires.

« Est-ce qu’il y a des Robin des Bois aujourd’hui à Marseille ?! » Debout sur le toit d’un camion bleu situé à l’avant de l’impressionnant cortège qui s’élance du Vieux-Port, Renaud Henry, secrétaire général de la CGT Énergie de Marseille, harangue la foule, micro en main. En retour, les manifestants présents ce 31 janvier contre la réforme des retraites, hurlent un « Oui » joyeux, sous un ciel bleu.

Les Robin des Bois ? Des techniciens d’Enedis ou de GRDF qui ont décidé de rendre gratuit l’électricité ou le gaz pour les bénéficiaires les plus précaires. Un moyen d’action « illégal, mais moral », revendiqué par la CGT Énergie Marseille, d’abord mis en place au bénéfice de boulangers menacés de faillite en raison de l’explosion de leurs factures d’énergie. Depuis, d’autres bénéficiaires précaires auraient bénéficié de ces coups de pouce inattendus, sans qu’on ne sache précisément combien sont concernés.

Comment procèdent ces « héros révolutionnaires », comme le qualifie le syndicaliste ? « Chacun a sa technique », sourit Céline Pasquet, technicienne chez Enedis et déléguée du personnel CGT, volontairement énigmatique. « Ce matin par exemple, toutes les coupures pour lesquelles on a été appelé n’ont pas été effectuées. On trouve des motifs bidon pour ne pas les effectuer », détaille ce technicien d’Enedis qui préfère garder l’anonymat. La prudence est de mise. « La direction a tendance à faire des exemples, on risque des mises à pied, voire des licenciements, ce qui explique qu’on ne s’étende pas trop sur les façons de faire », ajoute-t-il. « C’est un moyen de montrer notre mécontentement tout en aidant les gens qui sont dans la merde. Ceux qui font ça ont tout mon respect », approuve Mathias, technicien Enedis à la barbe de trois jours, clope au bec.

« L’électricité n’est pas une marchandise »

Ces techniques de désobéissance avaient déjà été utilisées par le passé, notamment pour venir en aide à certaines familles précaires résidant dans les quartiers nord de la ville, sans que le syndicat en fasse grand bruit. Mais de l’aveu de plusieurs personnes interrogées, jamais le mouvement n’avait connu ces proportions. « Les manifestations et les grèves ne suffisent pas face à ce gouvernement. Avec ce genre d’actions, on tape directement au portefeuille », dit Gilbert Benhamou, secrétaire général CGT des électriciens et gaziers. Et de préciser : « Ce n’est pas une lutte comme les autres, notre système de retraites par répartition est menacé, donc on doit se mobiliser de toutes les façons possibles. »

Au-delà du coup de pouce aux plus précaires, les techniciens entendent faire passer un message. « On revendique de fournir un bien commun et pas une marchandise soumise aux lois du marché », crie Samantha, technicienne au Réseau de transport d’électricité (RTE) pour se faire entendre au-dessus de « Bella ciao », crachée par une enceinte. « Avec l’explosion des tarifs, les usagers se rendent bien compte que la privatisation était une erreur, même le gouvernement a fini par l’admettre », ajoute-t-elle. Une référence à la décision de l’État de renationaliser EDF le 4 octobre dernier.

Comme partout en France, la question du recul de l’âge légal à 64 ans ne passe pas. Vraiment pas. « Monter sur les poteaux électriques la nuit, en pleine tempête, pour rétablir le courant, je n’en pouvais plus, se remémore Robert, 58 ans, retraité l’an dernier d’Enedis. Faire ça deux ans de plus, ça aurait été inimaginable. »

Au-dessus de lui, une pancarte brandie par un manifestant, feutre noir sur carton marron, résume l’état d’esprit de la foule : « La retraite avant l’arthrite ! »

Par Marius Rivière (publié le 01/02/2023)
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