Condamnation des autorités françaises : selon la CEDH, l’appel au boycott des produits israéliens est protégé par la liberté d’expression.
La campagne BDS France se réjouit de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (affaire Baldassi et autres c. France, requêtes n°15271/16 et autres) rendu le 11 juin 2020 qui condamne la France pour avoir violé le droit à la liberté d’expression de militant-e-s associatif-ve ayant appelé au boycott de produits israéliens dans des magasins.

L’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme protège la liberté d’expression, qui peut être restreinte à certaines conditions. Les militant-e-s BDS affirmaient que ces conditions n’étaient pas remplies et que leur liberté d’expression avait été bafouée par la France. A l’unanimité, la Cour Européenne des Droits de l’Homme dit que la France a violé cet article 10.

La France est donc condamnée pour violation de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme : elle doit verser dans les trois mois 7 380 euros à chaque requérant (dommages matériel et moral) et 20 000 euros à eux tous pour rembourser les frais de justice.

La campagne BDS France relève également que la Cour a bien pris en compte les spécificités des appels au boycott des produits israéliens lancés par les militant-e-s associatif-ve-s engagé-e-s contre l’apartheid israélien. L’arrêt énonce que « les actions et propos reprochés aux requérants concernaient un sujet d’intérêt général, celui du respect du droit international public par l’État d’Israël et de la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, et s’inscrivaient dans un débat contemporain, ouvert en France comme dans toute la communauté internationale » (§78).

Ces propos relèvent de la liberté d’expression dans un régime démocratique et sont ainsi protégés. L’appel au boycott des produits d’un régime d’apartheid est bien un droit pour les mouvements mobilisés en faveur du respect du droit international, droit qui avait été exercé par les mouvements pacifiques qui ont lutté en Inde, aux Etats-Unis et en Afrique du Sud contre le colonialisme et la discrimination.

L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme prouve, comme nous l’avons toujours dit, que les autorités françaises ont eu tort de vouloir criminaliser un mouvement non violent et responsable comme le nôtre, qui, tout en condamnant toute forme de racisme dont l’antisémitisme, réclame des mesures de boycott contre le régime israélien, ses entreprises et ses institutions, tant que cet Etat ne respecte pas le droit international. Cet arrêt met en lumière le caractère faux et malhonnête des tentatives de diffamation menées contre la campagne BDS, tentatives visant à museler celles et ceux qui demandent à agir contre l’apartheid israélien.

Conséquemment à l’arrêt de la CEDH, nous demandons aux autorités françaises d’abroger immédiatement les circulaires Alliot-Marie et Mercier afin de reconnaître la légalité et la légitimité de nos modes d’actions non violents et d’entamer un dialogue avec nous afin de contribuer ensemble à exercer une pression sur l’Etat d’Israël en vue d’obtenir que le droit international soit respecté.

Nous invitons les entreprises françaises à désinvestir d’Israël et aux institutions françaises à cesser toute collaboration avec les institutions publiques israéliennes.

Nous sommes déterminé-e-s à continuer les actions de boycott des produits israéliens et des entreprises internationales complices de l’apartheid israélien. Nous réclamons également un boycott des universités et des institutions israéliennes complices, ainsi que des manifestations culturelles et sportives faisant la promotion de l’apartheid israélien.

Israël, pays de l’apartheid, ne pourra pas indéfiniment empêcher la justice et la liberté pour le peuple palestinien de triompher !

Nous invitons tou-te-s les citoyen-ne-s de bonne volonté et tous les mouvements attachés au respect des droits humains et de la légalité internationale à rejoindre la campagne BDS. Notre mobilisation est plus que jamais légitime et indispensable au moment où les autorités israéliennes envisagent, en violation du droit international, d’annexer une partie de la Cisjordanie, poursuivant ainsi la dépossession du peuple autochtone palestinien, entérinée par le plan Trump.

BDS pour la justice, la dignité et l’égalité !

campagnebdsfrance@yahoo.fr

https://www.bdsfrance.org/victoire-de-la-campagne-bds-sur-le-boycott-des-produits-israeliens-la-france-condamnee-par-la-cedh/

Le boycott des produits et des institutions de l’apartheid israélien : un droit et un devoir

Depuis 2009 et le lancement de la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS) en France, l’Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (l’AURDIP) s’est toujours publiquement élevée et mobilisée contre les tentatives des autorités françaises visant à pénaliser ceux qui appellent au boycott des produits israéliens : circulaires Alliot-Marie et Mercier, harcèlement policier des militants BDS, poursuites pénales des parquets, arrêt de la Cour de cassation de 2015.

L’AURDIP a pris position à d’innombrables reprises contre ces tentatives que ce soit à l’occasion de colloques, forums, manifestations ou de communiqués, éditoriaux et articles publiés sur notre site internet ou dans la presse.

On retiendra, parmi d’autres, nos démarches auprès du ministère de la justice et une tribune publiée dans Le Monde en 2014 sur le sujet signée par Ivar Ekeland, Rony Brauman et Ghislain Poissonnier.

L’AURDIP a toujours considéré que le boycott des produits israéliens constitue un acte citoyen militant pacifique et légitime s’inscrivant dans la droite ligne des campagnes menées en Inde, en Afrique du Sud ou aux Etats-Unis en faveur de l’égalité des droits. Les membres de l’AURDIP n’achètent pas de produits israéliens comme le leur demande la société civile palestinienne et le revendiquent.

Notre association a toujours soutenu que l’appel public au boycott des produits israéliens était protégé par la liberté d’expression. Les membres de l’AURDIP ont appelé au boycott des produits israéliens et en sont fiers.

Le boycott des produits israéliens est nécessaire pour faire pression sur Israël et son économie, tant qu’Israël viole le droit international en toute impunité. Le débat public sur cette question est indispensable.

L’AURDIP est restée fidèle à ses convictions, malgré les déclarations péremptoires d’une grande partie de la classe politique française assurant qu’il était illégitime et illégal de boycotter les produits israéliens.

Alors bien sûr, quand la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), dans un arrêt rendu à l’unanimité de ses juges, le 11 juin 2020, désavoue de manière cinglante les autorités françaises qui ont, selon elle, violé la liberté d’expression de militants BDS ayant appelé au boycott de produits israéliens dans des supermarchés, notre association ne peut que se réjouir.

Dans un attendu limpide, la CEDH indique que « d’une part, les actions et les propos reprochés aux requérants concernaient un sujet d’intérêt général, celui du respect du droit international public par l’État d’Israël et de la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, et s’inscrivaient dans un débat contemporain, ouvert en France comme dans toute la communauté internationale. D’autre part, ces actions et ces propos relevaient de l’expression politique et militante » (§78).

On pourrait engager le procès des autorités françaises et notamment d’une partie de la classe politique qui, relayant les éléments de langage du gouvernement israélien, ont cherché pendant près de dix ans, par le biais de cette pénalisation, à étouffer la mobilisation des citoyens de bonne volonté pour le respect du droit international en Palestine. On pourrait stigmatiser tous les conseillers, fonctionnaires, policiers et magistrats soumis et zélés qui ont accepté de contribuer à cette pénalisation à rebours des valeurs qui doivent être celles d’un régime démocratique comme la France.

Telle ne sera cependant pas notre attitude. Nous devons continuer à être fidèle à nos convictions et ne pas nous disperser dans une démarche qui serait guidée par l’amertume, voire la colère, tant certains de nos membres ont été diffamés et attaqués en raison de leur soutien au boycott des produits israéliens et l’action de notre association a été entravée, notamment pour obtenir des salles dans les universités ou organiser des manifestations.

Au contraire, nous irons de l’avant. Comme nous le demande la société civile palestinienne, nous devons travailler et nous mobiliser en faveur de l’amplification de la campagne de boycott des produits israéliens. Nous devons également élargir et approfondir nos actions en faveur d’un boycott des universités israéliennes, complices d’un régime qui viole sans cesse le droit international.

Tous ensemble, mobilisons-nous.

Par Joseph Oesterlé, Président de l’AURDIP, Professeur émérite à l’Université Pierre et Marie Curie et Ghislain Poissonnier, Magistrat (pubié le 11/06/2020)
A lire sur le site Entre les lignes entre les mots