Depuis novembre 2015, c’est une union des gauches qui est au pouvoir au Portugal : un gouvernement socialiste soutenu au Parlement par les partis de la gauche radicale et les écologistes. Cette alliance inédite a réussi à mettre fin à l’austérité imposée pendant quatre ans par la troïka. Les composantes les plus à gauche ont imposé au gouvernement socialiste des mesures de revalorisation des bas salaires et des petites pensions, et de lutte contre le travail précaire. Avec succès : l’économie repart, le déficit public recule, et le petit pays du sud de l’Europe arrive même à convaincre Bruxelles du bien-fondé de cette politique. Un modèle à suivre ?
Mi février, Benoît Hamon, en visite de trois jours au Portugal, a rencontré des acteurs de l’union des gauches qui y gouverne depuis plus d’un an. On en parle beaucoup moins que la Grèce avec Syriza ou l’Espagne avec Podemos. A Lisbonne, la gauche a réussi à défaire une droite adepte de l’austérité. Le Parti socialiste est parvenu à reprendre le pouvoir à la faveur d’une alliance inédite avec les forces de gauche radicale : le Parti communiste portugais, les écologistes, et le Bloco de esquerda (« bloc de gauche »)
En octobre 2015, c’est pourtant une coalition de droite – « Portugal en avant ! » – qui était arrivée en tête lors des élections législatives portugaises, avec 38 % des voix. Les différents partis de gauche gardaient, ensemble, une majorité des voix et des sièges au Parlement : les socialistes, deuxième avec 32 %, le parti anti-austérité Bloco de esquerda, 10 %, et l’Union des verts et des communistes, 8 %.
L’ancien premier ministre de droite forme alors un gouvernement minoritaire, renversé au bout de deux semaines par les forces de gauche. C’est un socialiste, Antonio Costa, qui devient Premier ministre. Le Bloco de esquerda, les verts et les communistes n’intègrent pas le gouvernement, mais concluent un accord avec les socialistes pour le soutenir. La condition : que celui-ci mette en œuvre un programme clair contre la politique d’austérité menée au Portugal depuis quatre ans sous la pression de la troïka – Commission européenne, Fonds monétaire international, et Banque centrale européenne – suite à la crise économique et financière de 2008 et à la crise de la dette publique qui s’en est suivie.
Une bouffée d’air pour la population
« Une telle union des gauches, ça n’était jamais arrivé au Portugal, souligne Marisa Matias, députée trentenaire du Bloco de esquerda au Parlement européen. Les gens ont perdu beaucoup pendant cette période d’austérité. Le salaire minimum et les retraites, même les plus petites, ont été gelés, et les impôts des travailleurs ont beaucoup augmenté. » Entre 2010 et 2013, le taux de chômage portugais bondit de 11% à plus de 17%. L’accord de 2015 engage le gouvernement à abroger ces mesures qui ont appauvri la population portugaise. « Le programme prévoyait de revenir au niveau des salaires et des pensions qui prévalait avant l’austérité. Bref, de récupérer ce qui avait été perdu pendant les quatre années de troïka », précise la députée européenne.
Quand, au même moment en France, un gouvernement socialiste se prépare à faire passer coûte que coûte une loi de dérégulation du droit du travail, le gouvernement d’union des gauches portugais décide d’un programme pour « tourner la page de l’austérité ». « La politique d’austérité suivie ces dernières années a pour conséquence une augmentation sans précédent du chômage, avec des effets sociaux dévastateurs sur les jeunes, les citoyens les moins qualifiés, les familles et les milliers de Portugais sans emploi. Elle a été aussi associée à une dévalorisation de la dignité du travail et des droits des travailleurs », analyse le programme du nouveau gouvernement décidé fin 2015. La rhétorique détonne avec les politiques menées auparavant au Portugal et dans le reste de l’Europe en crise.
Parmi les premières mesures concrètes : l’augmentation du salaire minimum, qui passe de 485 euros en 2014 à 557 euros en 2017, soit une augmentation de 15%. De nouvelles hausses sont prévues : 580 euros en 2018 puis 600 euros en 2019. « Nous avons aussi augmenté les retraites, fait adopter une baisse des impôts sur les revenus des travailleurs, et renforcé le droit du travail », signale Marisa Matias. Le gouvernement vient de lancer un programme de lutte contre la précarité dans l’emploi public, et a stoppé les privatisations des infrastructures, comme les transports. Des mesures sont prévues pour l’accès à l’éducation et à la santé. « Avec cette union des gauches, le parti socialiste a dû infléchir son projet dans notre sens. Après un an et quelques mois de ce gouvernement, il y eu un changement majeur de politique au Portugal », se réjouit l’élue. [...]
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Par Rachel Knaebel (07/03/2017)