Coût de la vie: Londres taxe les géants pétroliers pour financer des aides face à l’inflation
Les géants pétroliers vont passer à la caisse au bénéfice des plus pauvres. Le ministre des Finances britannique Rishi Sunak a dévoilé ce jeudi un nouveau paquet d’aides à 15 milliards de livres face à l’impact de l’inflation sur les ménages défavorisés, financé en partie par une taxe exceptionnelle sur le secteur de l’énergie. Le ministre a affirmé à Westminster que grâce à ces mesures les Britanniques les plus modestes «sentiront le poids (de l’inflation) s’apaiser». Elle a atteint 9 % en avril au Royaume-Uni, un sommet en 40 ans.

Ces annonces surviennent au lendemain d’un rapport accablant sur de multiples fêtes arrosées à Downing Street en plein confinement qui fragilise à nouveau le Premier ministre Boris Johnson, décidé à tourner la page.

«Profits extraordinaires»

D’après un communiqué du Trésor britannique, «près d’un ménage sur 8 parmi les plus vulnérables au Royaume-Uni recevra au moins 1 200 livres cette année, y compris un paiement unique de 650 livres face au coût de la vie, une hausse du revenu minimal (Universal Credit) de 400 livres et un doublement de la réduction sur les factures énergétiques».

Au total, avec les mesures évaluées à 22 milliards de livres déjà annoncées, le total des aides face «au coût de la vie pour les ménages à bas revenus atteint 37 milliards de livres cette année», relève le Trésor. Ces mesures seront notamment financées par une taxe «temporaire de 25 % sur les bénéfices énergétiques pour les entreprises de pétrole et gaz, reflétant leurs profits extraordinaires» depuis l’invasion russe de la guerre en Ukraine, qui a aggravé la flambée des cours des hydrocarbures.

Le Trésor précise cependant que la nouvelle taxe pourra être déduite d’une «dotation généreuse de 80 %» pour encourager l’investissement du secteur énergétique. «Les entreprises vont dans l’ensemble recevoir 91 pence (de crédit d’impôt) pour chaque livre investie», détaille le Trésor.

La taxe exceptionnelle ne s’applique pour l’instant pas aux énergéticiens, mais le gouvernement «est en consultation avec le secteur de l’électricité […] et va d’urgence évaluer l’ampleur de (leurs) bénéfices extraordinaires pour prendre les mesures appropriées».

«Il était temps»

L’opposition travailliste a ironisé jeudi sur cette apparente volte-face après plusieurs mois de refus persistant du gouvernement conservateur de Boris Johnson de taxer les «majors» pétrolières, par peur de décourager l’investissement dans la transition vers la neutralité carbone et la sécurité énergétique, en écho aux arguments du secteur.

«Il était temps», a estimé Sam Nadel, directeur des relations gouvernementales chez Oxfam, ONG de lutte contre la pauvreté. «Il est juste que les entreprises de carburants fossiles qui font des profits excessifs soient amenées à contribuer plus quand tant de familles aux Royaume-Uni n’ont plus d’options et n’arrivent plus à payer leurs factures», argumente-t-il.

Il ajoute cependant que «la crise des prix de l’énergie est un rappel sombre de notre surdépendance aux énergies fossiles. Nous devrions renforcer notre sécurité énergétique en investissant dans nos abondantes ressources renouvelables qui sont des formes d’énergie abordables, sûres et propres».

Pour l’ONG écologiste Greenpeace, la taxe sur les profits des géants des hydrocarbures est insuffisante et aurait dû atteindre 70 % ce qui aurait permis «non seulement un soutien à court terme mais aussi des améliorations des logements pour s’assurer qu’ils utilisent et gâchent moins d’énergie, et garder les factures plus basses pour les années à venir».

Par Libération et AFP (publié le 26/05/2022)
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