Climat : BNP au tribunal, une première mondiale
Une coalition d’associations attaque la banque BNP Paribas en justice pour lui faire cesser son soutien à de nouveaux projets d’énergies fossiles. C’est le premier contentieux climatique au monde à viser directement une banque.

Accusée de financer le désastre climatique, BNP Paribas sera-t-elle condamnée ? Ce jeudi 23 février 2023, Les Amis de la Terre, Notre Affaire à Tous et Oxfam France assignent la banque française en justice. Les associations lui demandent de mettre fin à ses soutiens aux nouveaux projets d’énergies fossiles et d’adopter un plan de sortie du pétrole et du gaz. L’affaire est historique : il s’agit du premier contentieux climatique au monde visant une banque. Explications avec Alexandre Poidatz, chargé de plaidoyer Finance et climat à Oxfam France.

Reporterre — Les Amis de la Terre, Notre Affaire à Tous et Oxfam France assignent la banque BNP Paribas en justice. Pourquoi ?

Alexandre Poidatz — BNP Paribas soutient activement et massivement des groupes parmi les plus agressifs dans l’expansion pétrolière et gazière. Elle est le premier financeur mondial des huit majors pétrogazières européennes et nord-américaines [1], qui sont à elles seules impliquées dans plus de 200 nouveaux projets d’énergies fossiles à travers le monde.

Le message porté par la communauté scientifique et l’Agence internationale de l’énergie est pourtant clair : pour contenir l’augmentation globale des températures en dessous d’1.5 °C [par rapport aux niveaux préindustriels], les banques doivent cesser d’investir dans les nouveaux projets pétroliers et gaziers. En méprisant ces alertes et en continuant de faire des chèques en blanc aux plus grandes entreprises d’énergies fossiles, BNP Paribas porte une lourde responsabilité dans la crise climatique.

Par ce procès, qu’entendez-vous obtenir de BNP Paribas ?

Nous voulons l’obliger à respecter ses obligations posées par la loi sur le devoir de vigilance. Celle-ci impose aux grandes entreprises multinationales françaises — dont les banques — de prendre des mesures pour empêcher « les atteintes graves » envers les droits humains et l’environnement. Aujourd’hui, pour respecter son devoir de vigilance, BNP Paribas devrait mettre fin à ses soutiens financiers aux nouveaux projets d’énergies fossiles, et adopter un plan de sortie du pétrole et du gaz.

Avant d’envisager ce contentieux, nous avons tenté de dialoguer avec BNP Paribas pendant près de dix ans. Cela fait cinq ans que nous demandons au gouvernement — sans succès — de réguler le secteur bancaire. Il y a trois mois, en octobre 2022, nous avons estimé que nous n’avions plus le choix. Nous avons mis en demeure BNP Paribas de stopper ses soutiens aux nouveaux projets d’énergies fossiles. En réponse, elle a simplement annoncé la réduction de ses encours à l’extraction et à la production de pétrole et de gaz à horizon 2030, mais elle a oublié l’essentiel. Elle devra en répondre devant le juge.

Pourquoi ce contentieux est-il qualifié d’historique ?

Cette action s’inscrit dans un mouvement mondial de contentieux qui vise à mettre les principaux acteurs du chaos climatique face à leurs responsabilités légales. Jusqu’à présent, ces actions ont principalement concerné des États et des entreprises. Il y a eu l’affaire Urgenda aux Pays-Bas, l’Affaire du Siècle en France, ou encore les procès intentés contre les majors pétrolières, comme Total.

Là, nous allons un cran plus loin en nous attaquant au secteur financier, moins visible, mais qui a une responsabilité énorme dans notre capacité collective à respecter ou non l’Accord de Paris. Avec ce procès, c’est la première fois qu’une banque est attaquée en justice pour sa contribution au dérèglement climatique. Nous espérons que ce contentieux sera le premier d’une longue série, et qu’il fera tache d’huile partout dans le monde. En France, nous souhaitons que les juges contraignent BNP à cesser de financer les nouveaux projets gaziers et pétroliers, et que cette décision fasse jurisprudence pour l’ensemble du secteur financier.

Par Alexandre -Reza Kokabi (publié le 23/02/2023)
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