Affaire des emprunts toxiques : la Ville Sassenage gagne en appel contre la banque Dexia
La cour d'appel de Versailles a donné raison à la ville de Sassenage, lors du contentieux qui l'opposait depuis plusieurs années à la banque franco-belge, mise en cause pour avoir vendu des emprunts dits "toxiques", à taux d'intérêts très variables, à la commune de l'agglomération grenobloise.

Le fait n'est pas courant dans l'affaire dite des "emprunts toxiques". Une commune, en l'occurrence celle de Sassenage (Isère) a remporté le procès qui l'opposait à la banque franco-belge Dexia, accusée de tromperie par les collectivités locales. Dans un arrêt rendu hier, la Cour d'appel de Versailles a donné raison à la petite ville située au pied du Vercors, dans l'agglomération grenobloise.

En 2006, Christian Coigné maire de Sassenage cherche à refinancer sa dette, opération classique dans les administrations publiques. Il contracte alors un emprunt de plus de 4,47 millions d'euros auprès de la banque Dexia. Un produit considéré et présenté comme sûr à l'époque, précise l'élu: " Ils appelaient ça taux fixe... Duel flexi. Taux fixe, long terme, très bas, sécurisé... En fait c'est une tromperie", confiait-il à France 3 en 2015.

Mais la ville n'a pas seulement signé un emprunt, elle a aussi souscrit un contrat de conseil avec Dexia. C'est ce détail sur lequel les avocats de la commune se sont appuyés. L'équipe municipale, peu expérimentée, aurait dû être conseillée, avertie, par la banque. "C'est une décision-sanction", confie l'avocate de Sassenage à nos confrères du Parisien. L’arrêt de la Cour d’appel a l’immense mérite de confirmer l’emprise de Dexia sur les villes, contraintes de signer des prêts sans en avoir vraiment le choix ».

Un poison pour les finances de la ville

Car ce prêt s'est transformé en piège inextricable au fil du temps. Structuré autour d'un taux fixe au-dessous du prix du marché et d'un taux variable, indexé sur le franc suisse... au début, c'est une affaire. Dans la première phase, jusqu'en 2009 pour Sassenage, la collectivité paye 170 000 euros d'intérêts par an.

Mais la crise financière passe par là, et les taux s'envolent. Le franc suisse n'échappe pas à la règle : il est passé de 4,9% à 13%. Prise à la gorge, la commune doit désormais verser "entre 500 000 et 800 000 €" par an. Le maire décide alors de porter plainte pour tromperie. Avec l'accord de la chambre régionale des comptes, la mairie arrête de payer ces intérêts faramineux dès 2012. Mais elle provisionne les sommes dans ses comptes.
Plus de 800 000 euros de dommages et intérêts
Pour casser le contrat, la commune de Sassenage aurait dû rembourser le capital de 4.47 millions d'€ et payer près de 10 millions supplémentaires d'indemnités. Le maire a préféré aller devant la justice. Débouté en première instance par le tribunal de Nanterre en mai 2016, il fait appel de cette décision.

L'arrêt rendu hier lui permet de conserver les cinq millions d'euros provisionnés, et condamne la banque franco-belge à verser 828 090 euros de dommages et intérêts à la ville de Sassenage.

Cité par Le Parisien, l'avocat de Dexia, Dominique Lefort confiait hier qu'il était "vraisemblable" que son client se pourvoie en Cassation.

En France, la dette liée aux emprunts toxiques est évaluée à 15 milliards d'euros. En tout, 1 600 collectivités seraient concernées sur tout le territoire, parmi lesquelles 52 se trouvent en Isère.

Par Cécile Sauzay (publié le 05/10/2018)
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