6.000 activistes ont neutralisé le charbon allemand
En fin de semaine dernière, des milliers d’Européens ont convergé vers l’ouest de l’Allemagne pour une vaste action de désobéissance civile : gripper l’espace de quelques heures l’industrie du charbon. Reporterre y était.

Du vendredi 21 juin au dimanche 23 juin 6.000 activistes venus de toute l’Europe participaient à une action de désobéissance civile de masse. L’opération, réalisée à l’initiative du mouvement Ende Gelände, a été couronnée de succès : une mine et deux centrales à charbon ont été temporairement neutralisées dans l’ouest de l’Allemagne. Ces actions ont été soutenues par le mouvement Fridays for Future qui a rassemblé, vendredi, 40.000 collégiens, lycéens et étudiants à Aix-La-Chapelle, à 50 kilomètres des sites bloqués, lors d’une grande manifestation.

Vendredi matin, plusieurs milliers d’Allemands, de Belges, de Suisses, de Français, ou encore de Suédois ont quitté le campement autogéré de Viersen, pour partir à l’assaut des installations du consortium houiller RWE. Le site ciblé par Ende Gelände ? La mine à ciel ouvert de Garzweiler, une gigantesque excavation dans le paysage rhénan, qui approvisionne les cinq centrales électriques à charbon de la Rhénanie. En raison de son industrie charbonnière, cette région d’Allemagne est la plus grande zone d’émission de CO2 d’Europe.

Au cours de la première journée d’action, les activistes n’ont pas cessé de jouer au chat et à la souris avec la police. Le rapport de force a longtemps tourné en faveur des agents en uniforme bleu, leurs cordons ralentissant considérablement l’avancée des défenseurs du climat vers les rails des trains miniers, la mine à ciel ouvert et ses excavatrices géantes.

En fin de journée, 400 activistes sont finalement parvenus à squatter les rails empruntés quotidiennement par les trains miniers du bassin rhénan et à ralentir l’activité de la centrale thermique de Neurath, à quelques encablures de là. Reporterre a passé la nuit à leurs côtés, sur le chemin de fer, et vous a raconté ce moment hors du commun.

90% de la forêt de Hambach détruits en 40 ans

Samedi, enfin, plus d’un millier d’activistes sont descendus dans la mine de Garzweiler, d’une superficie équivalente à celle de la ville de Lyon. Pour s’en rapprocher, ils ont profité de deux manifestations légales organisées pour la sauvegarde des villages menacés par l’agrandissement de la mine. À l’image de Keyenberg ou de Kukum, cinq villages transformés en bourgs fantômes sont en passe d’être sacrifiés sur l’autel de l’extractivisme.

Tenaces, des centaines de participants ont déjoué les cordons policiers et fait du toboggan sur les bords de la mine de charbon de Garzweiler. Ils n’ont pas réussi à rallier ses impressionnantes excavatrices mais sont parvenus à proximité de son tapis roulant : RWE a été contraint d’arrêter toute activité dans la mine. La police a procédé à des arrestations. Une consœur et un confrère de Radio Parleur se sont immiscés aux côtés des activistes et ont relaté ce blocage.

En parallèle, d’autres groupes ont bloqué un nouvel acheminement par voie ferrée du charbon, dans la forêt de Hambach. L’extraction de la sève brune, dont ses sols regorgent, a justifié la destruction de 90 % de cette forêt en moins de quarante ans.

Après 48 heures d’action, les participants ont collectivement décidé de mettre fin aux blocages dimanche à 10 h. À intervalles irréguliers, les différents groupes sont rentrés au campement de Viersen. L’émotion était palpable, entre liesse collective, harassement et sentiment du devoir accompli. Les activistes ont reçu des ovations retentissantes de la part de leurs camarades.

Par Alexandre-Reza Kokabi et Gilles Potte (publié le 24/06/2019)
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